Visuel officiel de la saison #8
Nos maisons apparentées
Photo : Les Tanneries – CAC, Amilly

MARCO GODINHO, DIPLÔMÉ.E.S ET POST-DIPLÔMÉ.E.S 2023 DE L'ÉCOLE SUPÉRIEURE D'ART ET DE DESIGN D'ORLÉANS, BENJAMIN MOULY, ROMAIN KRONENBERG, CLÉMENT BAGOT, LYDIE JEAN-DIT-PANNEL, JEUNES DIPLÔMÉS DE L'ÉCOLE NATIONAL D'ART DE DIJON, RICHARD LONG (DEMANDE DE PRÊT EN COURS) / COMMISSAIRES INVITÉES : SOPHIE FÉTRO, MERIS ANGIOLETTI, BÉNÉDICTE RAMADE / PROGRAMMATION : ÉRIC DEGOUTTE

Le lancement de la 8ème saison artistique des Tanneries s’inscrit dans un nouveau cycle de programmation intitulé Nos maisons apparentées qui sera déployé d’octobre 2023 à septembre 2026.

Sur 3 saisons artistiques, ces « maisons apparentées » seront celles des artistes invité·e·s, des maisons imprégnées des réalités programmatiques attendues, en termes de diversité de formes artistiques et d’univers plastiques, de place donnée à la recherche, à l’expérimentation et aux nouvelles formes prises par la création la plus actuelle.

Jouant des suggestions apportées par le titre, dans le prolongement de ce qui fonde désormais l’identité artistique du centre d’art contemporain, ce cycle curatorial pluriannuel sera l’occasion d’investir les lieux et temps croisés de création et de pensée, les espaces marqués de gestes produits et de formes exprimées (l’atelier, la galerie d’exposition) qui sont les conditions de rencontre avec l’œuvre créée, le processus créatif.

Si tout ici est appréhendé comme autant de formes possibles d’habitations effectives qui seront celles déployées par les artistes en chacun des espaces des Tanneries, elles se complèteront de celles « en devenir » nées des apparentements par lesquels seront mis en regard des éléments les uns aux autres, dans des formes d’intelligible où se déterminent les rapports à l’œuvre, pour l’artiste et le regardeur de l’art. Ces maisons apparentées permettent en cela de resituer le lieu d’une expérience artistique partagée dans le temps d’un contemporain qui les lie doublement l’un à l’autre.

La première d’entre elle est traversée d’un vent venu du large, celui qui souffle en toute grève, dans le bruissement des vagues, dans le temps du départ, qu’il soit décidé pour être vécu ou qu’il soit suivi jusqu’au loin par ceux qui restent, là où tout s’évanouit. Marco Godinho nous donne à percevoir toute l’étendue de ces champs qui s’ouvrent alors, et viennent reconsidérer les liens invisibles qui fondent le rapport au monde, entre résilience et résistance, résurgence et navigation. Dans l’actualité d’une planète malmenée donnant au monde que l’on pensait connaître des physionomies insoupçonnées, dans l’ombre des cartes et des géographies possiblement obsolètes, se signifient les conditions d’une autre géographicité, celle définie par les gestes engagés, dans les traces laissées de nos expériences cumulées.

Très justement, cette première maison est à ce titre The Infinite House.

L’idée de maison mutera ensuite vers la forme d’un habiter ensemble ; ce sera celui des jeunes diplômé·e·s et post-diplômé·e·s de l’École Supérieure d’art et de design d’Orléans (Esad). Co-commissariée avec Sophie Fétro, designer et théoricienne de design, maître de conférence en esthétique et sciences de l’art, l’exposition présentera chacun·e d’eux, au gré de leur investissement dans le champ du design des médias ou du design des communs, entre objets, espaces de vie et contextes connectés, entre numérisation et réalités, entre communication et commutation.

Premier habitant des formes architecturées et des champs graphiques qu’il déploie méthodiquement, Clément Bagot y échafaude les conditions d’une navigation visuelle et phénoménologique entre des mondes emboités, dont possiblement leurs familiarités formelles résonnent entre elles, d’une dimension à l’autre, tout en ruinant des perceptions trop établies et donnant à parcourir des registres dispersés (moléculaire, biologique, végétal ou minéral). Jusqu’à parfois traverser l’indéterminé même.

Mi-abri, mi-chrysalide, aéronef, arche ou bunker –  device ou shelter – l’apparentement des formes habitables travaillent les certitudes qui structurent les contours de nos espaces, réels ou pensés, sensibles ou utopiques.

Viendra alors le temps d’une autre capsule temporelle et architecturale traversée d’histoires, de voix et de mots, habitée de mondes intérieurs indexés à des cahiers, des romans, des dessins, des musiques composées. Arqué sur une mise en abime du lieu se reflétant dans une miniature l’objectivant, le tout détermine un ensemble composite – Romain Kronenberg le décrit comme « une série d’œuvres plastiques aux accents littéraires et sonores ».

Cet ensemble vient faire/prendre/donner corps à une figure disparue – une mère ; figure de toutes les figures – que chacun peut apparenter dans l’hospitalité inhérente à tout personnage de roman, dans la bonne providence de ses projections les plus intimes et silencieuses peuplées de voix mémorielles. Rebecca en est le prénom. Elle s’est faite disparue. Elle s’est faite écrivaine. Elle est un personnage.

Rebecca est une présence maintenue dans un récit libéré de sa linéarité.

Rebecca est aussi le nom d’un projet, une application numérique qui sera associée au dispositif déployé dans la Grande halle, le printemps venu, prolongeant des cheminements possibles vers d’autres maisons apparentées, singulières, peuplées de figures à retrouver.

Si l’envie se fait jour.

D’une épopée à l’autre, se clôturera ce premier temps des Maisons apparentées.

Road to Nowhere succédera ainsi aux flux de la Méditerranée chantée par Homère en entame de saison artistique. Collecté aux termes de traversées répétées, insolites et solitaires à travers le continent américain, un monde recomposé viendra s’étendre en divers lieux du centre d’art, formant des amoncellements agencés par Lydie Jean-Dit-Pannel, produits eux aussi d’une nécessaire géographicité émergente dans l’apparentement de relevés topographiques singuliers. Son geste sera accompagné du regard critique de Bénédicte Ramade, commissaire d’exposition associée à la programmation des Tanneries à l’été 2024, afin que d’un Road to Nowhere aux Ten Miles Walks, d’une White Rock Line à une Line Made By Walking, s’esquissent le cheminement d’une lecture écocritique de formes d’art nées des déambulations d’artistes, nées de la perception d’un contexte environnemental qui ne fait qu’évoluer, à l’aube de l’Anthropocène, en se jouant des réalités dépassées.