Joël Auxenfans
Vue de l’exposition Les Haies – « Une question de faire », prémonitions
Petite Galerie
Les Tanneries – CAC, Amilly, 2022
Photo : Aurélien Mole
Courtesy de l’artiste

Joël Auxenfans
Vue de l’exposition Les Haies – « Une question de faire », prémonitions
Petite Galerie
Les Tanneries – CAC, Amilly, 2022
Photo : Aurélien Mole
Courtesy de l’artiste

Joël Auxenfans
Vue de l’exposition Les Haies – « Une question de faire », prémonitions
Petite Galerie
Les Tanneries – CAC, Amilly, 2022
Photo : Aurélien Mole
Courtesy de l’artiste

Joël Auxenfans
Vue de l’exposition Les Haies – « Une question de faire », prémonitions
Petite Galerie
Les Tanneries – CAC, Amilly, 2022
Photo : Aurélien Mole
Courtesy de l’artiste

Joël Auxenfans
Vue de l’exposition Les Haies – « Une question de faire », prémonitions
Petite Galerie
Les Tanneries – CAC, Amilly, 2022
Photo : Aurélien Mole
Courtesy de l’artiste

Joël Auxenfans
Vue de l’exposition Les Haies – « Une question de faire », prémonitions
Petite Galerie
Les Tanneries – CAC, Amilly, 2022
Photo : Aurélien Mole
Courtesy de l’artiste

Joël Auxenfans
Vue de l’exposition Les Haies – « Une question de faire », prémonitions
Petite Galerie
Les Tanneries – CAC, Amilly, 2022
Photo : Aurélien Mole
Courtesy de l’artiste

Joël Auxenfans
Vue de l’exposition Les Haies – « Une question de faire », prémonitions
Petite Galerie
Les Tanneries – CAC, Amilly, 2022
Photo : Aurélien Mole
Courtesy de l’artiste

Joël Auxenfans
Vue de l’exposition Les Haies – « Une question de faire », prémonitions
Petite Galerie
Les Tanneries – CAC, Amilly, 2022
Photo : Aurélien Mole
Courtesy de l’artiste

Artiste : Joël Auxenfans / Commissaire : Éric Degoutte

L’exposition de Joël Auxenfans aux Tanneries se détermine d’abord par le principe d’explorations portées par le centre d’art pour esquisser une sorte de paysage du geste artistique contemporain. Un paysage qui se découvre, au gré d’une cartographie recensée et établie, d’étape en étape, de parcours en parcours et de saisons (climatiques) en saisons (artistiques). 

Les premiers « reliefs » ont surgi avant même l’aménagement du site (2016), dans le temps des friches : avec Mélanie Drevet et Christophe Ponceau (2012) et Pierre Tual (Les Renouées du Japon – 2012) se sont manifestées les premières pousses d’une prise en compte du geste plastique à l’orée des espaces naturels. Approche prolongée avec Nathalie Brevet_Hughes Rochette, en 2015 (De Loing en loin), pour signaler la nature d’un site – celui des Tanneries – désormais performé par les nouveaux usages (diffusion, production, médiation) d’un centre d’art pensé comme un lieu de construction et de découverte de nouvelles visibilités.

Benoit Pieron (Random – 2018) fera le voyage aux Tanneries, nous propulsant dans des méandres enfouis (18° 22’ 38’’ S – 42° 2’ 34’’ O) en plein Brésil (quelque part dans l’état du Minas Gerais) dignes des paysages de Fiztcarraldo : équipés comme le fut Walden (H.D.Thoreau) et fermement décidés, à la lumière du  Prospect Cottage de de Derek Jarman, à participer d’une forme de robinsonnade propice à une réflexion sur une rupture civilisationnelle s’imposant à toutes et tous, il nous invita à envisager – comme tout jardinier soucieux des actes essentiels – un nouveau registre dans les conditions de préservation de la vie.

Quelques mois plus tôt, Sleeper Cell (édition produite par les Tanneries en 2017) de Suzanne Husky fut réalisée sous la grande Verrière, « ouvrant le champ » de cet espace si caractéristique du centre d’art.

Il surplombe le parc de sculptures et permet notamment d’apprécier le parcours chancelant du Funambule (2011) de Philippe Ramette, dans la canopée des chênes, sans que l’on sache si l’enivrement de cette fragile figure titubante est dû à l’élévation qui fut la sienne – et la vue plongeante et édifiante sur la terre des hommes – ou à l’effarement qui fut le sien devant l’effacement des couronnes verdoyantes se raréfiant, se percevant ainsi face à un archipel végétal se réduisant, tel un paysage en mouvement comme celui de nos banquises se clairsemant aux pôles.  

Sleeper Cell et Random montraient de nouvelles voies, les possibilités de formes de résistance(1) que surent conforter les récents Portables Gardens de Loïs Weinberger l’été dernier (2022) disposés sous la voute transparente : signal poétique autant que politique, l’artiste autrichien resitue l’importance du paysage jusque dans les non-lieux.

Joël Auxenfans vient forcément apporter ici sa touche, sur le motif et dans cette suite d’histoires de paysage. 

Il nous montre toute l’étendue qui s’offre à notre réflexion. Il parcourt en même temps les campagnes comme le philosophe se sert de sa déambulation pour construire – mais aussi mettre à l’épreuve – son propos dans le champ de la philosophie. 

Quitte à « sauter quelques haies » pour mieux croiser le cheminement d’Épicure.

Les Haies est un projet initié en 2018, d’abord sous une forme d’exposition (Écomusée du Perche) dont l’accrochage dans la Petite Galerie des Tanneries rejoue la mise en jeu et l’idée de mise en scène. 

L’artiste n’a alors pas encore engagé concrètement son implantation dans la réalité paysagère qui l’entoure. Il nous fait l’invitation à parcourir pour mieux discourir, sous une tonnelle porteuse de textes : ceux d’une juriste, d’une philosophe et d’un artiste. Chacune et chacun attachés à parler de cette forme d’horizon que sont les haies bocagères. L’ensemble se veut et se fait programme : dès que se dessinent les premiers traits, se forme déjà la trame où se construit l’entremêlement des pensées et des formes racontées, dans l’histoire de ces frontières géographiques autant que sémantiques, mais aussi l’expérience de leurs limites : à bien considérer les haies, entre construction (initiée dès le Moyen Age) et effacement (engagé seulement au lendemain des 30 Glorieuses), se fait jour l’étendue d’une prospective pour Joël Auxenfans. 

Dans la mobilité des notions, le glissement de champ à champ s’enrichit, d’abord parce qu’il s’agit de
« culture » : qu’elle soit agricole, liée à la terre ou considérée sous l’angle de la fructification des connaissances, par-delà l’état de nature, combien de pratiques partagées, dans une « sorte d’équilibre entre la poussée végétale et les besoins humains » nous dit l’artiste.

Il est temps d’engager le pas et en 2020-2021, à Piacé le radieux, l’alignement se produit : les conditions sont requises pour engager le geste dans le paysage. Et y positionner le regardeur et sa question.

A l’époque s’esquissent les grandes lignes du monde de demain, celui des « engagements 2030 » traduits par 17 Objectifs de Développement Durables (ODD). Parmi eux, le 15ème nous parle de vie terrestre, de préservation, de restauration des écosystèmes terrestres, de réduction de l’érosion des sols. Au-delà de l’artificialisation des sols, l’enjeu de renaissance s’affirme dans le besoin de favoriser les obstacles naturels. Les haies – tout comme les Haies de Joël Auxenfans – deviennent un prospect garden à part entière.

Suivront Saulx Les Chartreux à la Ferme du Pas de Côté (association Animakt) et tout récemment à Melle avec le Frac Poitou-Charente à l’occasion de la 9ème Biennale d’Art Contemporain.

Ses Haies trouveront une nouvelle expression, dès l’automne 2022 et au cours du printemps qui suivra – dans ce temps de renaissance végétale qui le caractérise – sur le territoire du montargois et plus précisément sur celui communal d’Amilly. 

A l’aube de cette émergence dans le paysage local, il convient de pointer une autre forme de
« renaissance » : celle d’une politique de soutien à la création dans le cadre du dispositif de 1% artistique, portée par la Région Centre-Val de Loire. Joël Auxenfans est lauréat pour un aménagement paysager lié au développement du Lycée agricole Le Chesnoy. 

L’exposition Les Haies dans la Petite Galerie est aussi l’enjeu d’un vaste chantier : celui de préparation et d’accompagnement des publics, à commencer par ceux de l’établissement d’enseignement, dans la découverte du geste artistique de Joël Auxenfans et dans son appropriation, tout au long de son déploiement dans l’espace, celui de la salle d’exposition comme celui des zones paysagères investies. 

L’équipe du centre d’art, sous diverses formes, rythmera le temps de la « mise en œuvre du paysage » sur presque une année.

Pour Joël Auxenfans cette exposition est aussi l’occasion d’appuyer l’idée d’une continuité entre des moments différents d’une œuvre qui s’étend sur trente ans. Et de « re-considérer l’acte philosophique comme moyen de déjouer les modes et les aveuglements dans lesquels nous sommes pris selon une spirale de destruction généralisée» écrit-il dans sa note d’intention. Cet acte se fait architecture de sens, et semble former un arc porteur résonnant avec la structure en ruban de Moebius associé au Troisième paradis(2) de Michangelo Pistoletto, une autre belle présence, qui se diffuse dans le projet des Haies .

Il y est aussi question de « renaissance », ce qu’en 2012 Beaux-arts Magazine donnait comme la réponse de l’artiste à la fin du monde. L’image est belle et c’est avant tout une autre belle invitation, un manifeste pour un art appelant à une autre forme de civilisation : « La pensée doit être en mouvement. Et si l’art est capable de se mettre en relation avec la philosophie et la politique, il aura un effet beaucoup plus important que la religion. C’est à la créativité de prendre l’initiative et de savoir qu’elle touche le point vital de l’existence humaine. L’art, c’est le centre »(3).

Il est bien question de s’installer dans le paysage, et s’y voir le regarder pour pouvoir prétendre s’y s’inscrire. 

Un peu à l’image des Géants de Jacques Julien, présents dans le centre bourg d’Amilly, à fleur de coteau, dans le verdoyant d’une prairie surplombant la Vallée du Loing.

Pour l’image, sachez qu’un géant est resté aussi à Piacé-le-Radieux.

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(1) Il s’agit ici de faire référence aux Jardins de résistance de Gilles Clément (2009).
(2) Terzo paradiso, Troisième paradis, Michelangelo Pistoletto. L’artiste italien qui a inventé et dessiné ce signe
et l’a présenté lors de nombreuses installations internationales, est à l’origine de Cittadellarte-Fondazione Pistoletto, à Biella en Italie. Il a décidé de prêter ce signe gracieusement pour des projets artistiques, sociaux, éducatifs et environnementaux, cartographiés et documentés au sein du réseau international « geographiesofchange » http://www.geographiesofchange.net/. Michelangelo Pistoletto a accepté de prêter au projet d’installation « les Haies » un fragment de son livre « Impliquons-nous ! Dialogue pour le siècle » co-écrit avec Edgar Morin, et paru aux éditions Actes Sud en 2015.
(3) M. Pistoletto, Le Monde, 24 août 2008.