Visuel officiel de l’exposition  A Family of Rooms de Vincent Barré

Carnet n° 1985-4, Vincent Barré / ©Vincent Barré, ADAGP, Paris, 2025

Artiste : Vincent Barré / Commissaire : Éric Degoutte

Tout au long de la Saison 8 Bis, le Centre d’art contemporain Les Tanneries a déployé une programmation foisonnante, où chaque exposition s’est nourrie des apparentements choisis entre les univers spécifiques de chaque artiste, dans l’hospitalité des lieux investis mis en écho les uns aux autres, de l’appréhension des porosités perceptibles entre les espaces, les médiums et les formes artistiques.

La saison s’est ouverte avec Thickness of the Air des mountaincutters, une exploration immersive d’un souffle prenant corps et des dynamiques de transformation d’une nature de l’œuvre se faisant avant tout forme de vie. Sous la Verrière, un long corps en verre soufflé explorait l’architecture translucide prise dans les airs changeant d’une fin automne, couverte de condensation, de buées laissées par des respirations, tandis que la Petite Galerie s’offrait comme un laboratoire poétique où sculptures et images, objets et matériaux, oxydation et magnétisme tissaient des liens entre mémoire et formes vivantes.

Cette quête dans l’apparentement des éléments se prolongeait dans la Galerie Haute avec Tableaux manquants de Bruno Rousselot, une exposition qui interrogeait la couleur, ses jeux sans fin, la régénérescence infinie des figures abstraites affichée dans la fragmentation du visible, l’oscillation des formes et des équilibres des corps composées sur la toile, entre vérification ou permanence et manque, entre absence et révélation.

Ce fil d’histoires qui se rejouait dans chacune des toiles se prolongeait pour muter, dans le même temps, dans le champ d’une narration chorale qu’il était temps de découvrir dans la Grande Halle. Des « corps filmiques » sont alors venus occuper une place centrale dans l’antre du centre d’art et dans ses étages, avec deux propositions complémentaires. The Unmanned de Raphaël Siboni et Fabien Giraud déconstruisait la linéarité d’un temps annoncé comme désormais révolu à travers huit projections simultanées, explorant les rapports entre l’humain et la machine. Cohabitant sur un seul écran de presque 40 mètres de long, dans l’immensité de cette peau suspendue, ce corps filmique composite se pressait de devenir fresque, l’annonce d’une épopée rétroversée, opérante dans l’absence des corps et de l’histoire des hommes, sujets déposés, débordés.

A l’étage, Voyages en kaléidoscope d’Érik Bullot, quant à lui, mêlait collages, films et photographies pour offrir un visible, un autre corps filmique approché à travers le cinéma imaginaire où passé et futur s’entrelacent pour un cinéma lui aussi opéré – via le recours à l’intelligence artificielle – au-delà des corps, dans un état de promesses libératrices autant qu’aux confins de visions paroptiques.
Cet abandon des corps se prolongea dans une ritournelle – (Y)OUR SONG, issue d’une résidence de Julie Chaffort – propice à un lâcher-prise né d’expériences sensorielles immersives où musique, danse et perception corporelle se faisaient les conditions d’un autre rapport au monde, d’un monde autrement apparenté.

Dans cette continuité d’un souffle opérant en tout lieu et période, A Family of Rooms vient clôre la saison. Le centre d’art se donne à voir sous une forme renouvelée telle une grande maison, accueillante et hospitalière, un lieu de vies croisées, de liens forts tissés qui sourdent en toutes familles, ces faiseuses de corps habités d’héritages, peuplée de corps habitants s’y apparentant pour laisser naitre de possibles histoires en devenir. Ces vies entremêlées s’organisent autour d’un fil d’argent, un fil de vie. Celle artistique, sensible et curieuse de Vincent Barré. Transfiguré par ce souffle de vie, le site se fait Grande Nef, où sculptures, dessins et installations interagissent pour créer un parcours sensible et rétrospectif. Arpenteur des formes et des histoires liées à l’architecture, des plus déclaratives au plus vernaculaires, nourris des échanges avec d’autres artistes, Vincent Barré nous enjoint à une immersion dans un monde habitable où la création et l’échange sont indissociables.

A Family of Rooms repose sur une invitation faite à Vincent Barré, dont le travail s’est nourri de rencontres et de collaborations entre la France et les États-Unis à mettre en lumière les étapes majeures de son parcours, offrant à la fois une rétrospective et une réflexion sur ses liens avec les territoires et les figures clés de sa carrière.

L’exposition se structure autour de trois grandes périodes, reflétant l’évolution de l’artiste, de ses premières œuvres à ses recherches récentes. À travers une sélection de sculptures, dessins et monotypes, le public peut suivre son parcours, marqué par ses voyages et ses rencontres.
La Grande Halle des Tanneries accueille les sculptures monumentales de Vincent Barré, réalisées en fonte, fer ou aluminium. Ces œuvres, témoignant de son engagement physique avec les matériaux, conservent les traces de son processus créatif, leur conférant une dimension brute et organique. Parmi les pièces exposées, l’installation conçue en collaboration avec Pierre Creton en 2021 pour la rétrospective Cinéma du Réel au Centre Pompidou enrichit l’exposition en introduisant une approche cinématographique et collaborative, fusionnant sculpture et installation.

Dans la Galerie Haute, les premières œuvres de Vincent Barré dialoguent avec celles de grands maîtres qui ont nourri son imaginaire, rythmé ses pas dans les galeries des musées : leurs dialogues dévoilent les choix à l’œuvre dans les explorations artistiques, en confrontant les dessins et sculptures de l’artiste à celles de Jean Arp, Constantin Brancusi, Richard Deacon, Simon Hantaï et Judit Reigl, pour mettre en lumière les influences essentielles de son travail.

La petite Galerie se fait « Cabinet des dessins » : celui des carnets de croquis issus des collections des Beaux-Arts de Paris et du Fonds de dotation Vincent Barré, où s’y découvre des esquisses, réflexions et projets marquants de son parcours, notamment son expérience avec l’architecte Louis Kahn à Philadelphie. Jean Prouvé et Bernard Lassus y trouvent place aussi. En écho à la présence des Grandes Collections en Galerie Haute, une maisonnée se constitue également ici, composée d’œuvres issues de la collection personnelle de Vincent Barré. Elle rassemble des artistes proches et des présences d’amis (Nicolas Alquin, Jacqueline Badord, Pierre Barray, Luc Barré, Vladimir Borensztajn, Daniel Boudinet, Frederick Breydert, Joël Brisse, Marianne Brodskis, Luis Caballero, Lucie Chaumont, Bernard Cousinier, Pierre Creton, Gregorio Cuartas, Gagan Dadhich, Richard Davies, Richard Deacon, Maria-Jesus de la Puente Sanz, Léo Delarue, Alexandre Desgoffe, Sylvain Dubuisson, Jean-Pierre Ducamin, François Durif, Joël Fischer, Hyppolite Flandrin, Angela Ganser, Xavier Geneau, Nicolas Giraud, Marcel Hardung, Georges Jeanclos, Michèle Knoblauch, Shyam Lal Kumhar, Bernard Lassus, Katarina Littauer, Michel Lode, Konrad Loder, Julia Lohman, Alain Lormeau, Sylvestre Meinzer, Dorothea Nolde, Benoit Pingeot, Jaume Plensa, Judit Reigl, Pierre-Alexandre Rémy, Anne Rochette, Sophie Roger, Thomas Schliesser & Judith Wolf, Nina Simonović, Andrzej Strumilo, Pierre Tairraz, Antoine Tarot, Gudrun Von Matzan), la Chambre noire de Daniel Boudinet, ainsi que des œuvres de jeunes artistes formés par Vincent Barré à l’École des Beaux-Arts de Paris entre 1990 et 2011 (Lucie Chaumont, Nina Simonovic, Nicolas Giraud…). D’autres exposent leurs créations dans la Verrière et le Parc de Sculptures, illustrant la transmission intergénérationnelle et la pérennité de son héritage artistique (Bertille Bak, Blandine Brière, Charles-Henri Fertin, Gabrielle Conilh de Bessac, Julien Laforge, Dorothea Nolde, Matthieu Pilaud, Pierre-Alexandre Remy, Marc Herblin & Aurèle Orion).

Pour venir définir cette Grande Maison, A Family Of Rooms s’est enrichie de prêts exceptionnels issus d’institutions de renom telles que le Centre Pompidou, le Centre National des Arts Plastiques, les Beaux-Arts de Paris, la Médiathèque du Patrimoine et de la Photographie ainsi que les Fonds régionaux d’art contemporain de Bretagne et de Picardie. Ces collaborations offrent une perspective unique sur les résonances entre l’œuvre de Vincent Barré et celles de ses prédécesseurs. Son lien avec ces institutions a nourri sa réflexion esthétique et intellectuelle, notamment l’influence des grands musées européens et américains, en particulier le Centre Pompidou, dans son parcours.

La Grande Nef ainsi envisagée par Vincent Barré vient prendre sa place dans le paysage d’Amilly qui est reconnue comme une « ville des arts » grâce à une politique culturelle ambitieuse menée par le maire Gérard Dupaty depuis 1989. Ce soutien à l’art contemporain et au patrimoine, illustré par des projets tels que la réhabilitation du centre-bourg, fut aussi accompagné et conseillé par Vincent Barré pendant 28 ans. Leur amitié a contribué à dynamiser la ville. La collaboration étroite entre le maire et Vincent Barré a permis l’intégration de l’art dans l’espace urbain, renforçant ainsi les liens entre artistes, institutions et habitants.

Les Tanneries, aujourd’hui centre d’art contemporain d’intérêt national, incarnent cette alliance entre patrimoine et modernité.

A Family of Rooms dépasse la simple rétrospective en offrant une immersion dans l’univers de Vincent Barré, où ses sculptures monumentales et dessins intimes témoignent de ses influences, de ses voyages et de ses rencontres. L’exposition met en lumière son engagement dans la transmission de son savoir, inscrivant son travail dans une dynamique de partage et de réflexion collective, où l’architecture, la sculpture et l’enseignement s’entrelacent dans une œuvre en constante évolution.

 

________________

VERNISSAGE SAMEDI 7 JUIN 2025 DÈS 14H30

>> NAVETTE GRATUITE PARIS < > LES TANNERIES
Aller : départ de Paris, 5 avenue Porte d’Orléans, à proximité de la statue du Général Leclerc, à 13h
Retour : départ depuis Les Tanneries à 19h

>> NAVETTE GRATUITE GARE DE MONTARGIS < > LES TANNERIES
Aller : départ depuis la gare de Montargis à 15h15 (en lien avec le TER au départ de Gare Paris-Bercy à 14h11 < > arrivée Gare de Montargis à 15h08)
Retour : départ depuis Les Tanneries à 19h (en lien avec le TER Gare de Montargis, départ 19h50 < > Gare de Paris-Bercy, arrivée 20h49)

Inscription aux navettes obligatoire avant le 6 juin 2025. Pour réserver une ou plusieurs places, veuillez communiquer votre nom et numéro de téléphone par mail ou par téléphone : contact-tanneries@amilly45.fr / 02.38.85.28.50

________________

Les artistes programmé.e.s au fil de la saison #8bis – Nos maisons apparentées 

Cycle 1
19 octobre 2024 : Inauguration de la seconde saison artistique d’un cycle de programmation de trois années intitulé Nos maisons apparentées
*Exposition Tableaux manquants de Bruno Rousselot, Galerie Haute, jusqu’au 22 décembre 2024.
*Exposition Thickness of the air de mountaincutters, Verrière et Petite Galerie, jusqu’au 19 janvier 2025.
*Exposition Richard Long, de pierres, un commissariat de Bénédicte Ramade, jusqu’au 3 novembre 2024 (visible depuis juin 2024).
30 novembre 2024
*Exposition The Unmanned de Fabien Giraud & Raphaël Siboni, Grande Halle, jusqu’au 20 avril 2025.

Cycle 2
18 janvier 2025
*Exposition Voyages en kaléïdoscope d’Érik Bullot, Galerie Haute, jusqu’au 27 avril 2025.
*Un cycle de projections déterminé par Érik Bullot se tiendra chaque week-end, entre le 25 janvier et le 9 février en Petite Galerie.
1er mars 2025 (sous réserve)
*Exposition (Y)OUR SONG de Julie Chaffort dans le cadre de sa résidence territoriale initiée en septembre 2024, Verrière et Petite Galerie, visible jusqu’au 27 avril 2025.

Cycle 3
7 juin 2025
*Exposition A Family of Rooms de Vincent Barré, visible jusqu’en octobre 2025.
Cette exposition regroupera des œuvres de collections privées et publiques d’artistes ayant une grande importance dans la parcours de l’artiste : Simon Hantaï, Jean Arp, , Stanislas Kolibal, Edouardo Chillida, Richard Deacon, Toni Grand, Robert le Ricolais, Judith Reigl, James Bishop, Pierrette Bloch, François Bouillon, Roger Blin, Geneviève Asse, Jean Prouvé, Daniel Boudinet.
Des artistes, élèves de Vincent Barré ou de Richard Deacon, (Bertille Bak, Blandine Brière, Gabrielle Conilh de Beyssac, Dorothea Nold, Julien Laforge, Pierre-Alexandre Remy, Marc Herblin & Aurèle Orion, Charles-Henri Fertin, Matthieu Pilaud) seront aussi présenté.es, Verrière et le Parc de Sculptures.

27 et 28 juin 2025 (sous réserve)
* Les (F)estivales 2025 week-end estival de rencontres artistiques, de performances, de concerts et de projections.

Cette saison 8bis sera ponctuée, comme les saisons précédentes, de rencontres avec les habitants du territoire Loirétain, traduisant l’engagement du Centre d’art contemporain d’intérêt national à être impliqué fortement sur son territoire. Pour cela le Centre d’art contemporain accueille Julie Chaffort en résidence territoriale et Alex Balgiu en résidence d’auteur dès à présent. Dans le rapport de proximité permis par ces dispositifs, tous deux interrogeront tour à tour les façons d’habiter nos espaces de vie à travers des temps croisés de création et de pensée.