Jean-François Lacalmontie    Chant des Sirènes, valise contenant des éléments de Mac+ avec programme d’aléatoire sur disquette, câble et moniteur. Sur le mur, Sans titre,  fusain, acrylique, peinture alkyd sur toile, 33 x 24 cm (x8)

Jean-François Lacalmontie        Panier à laines avec moniteur sur socle contenant éléments Mac+ avec programme d’aléatoire sur disquette et compteur de dessins générés.

Jean-François Lacalmontie    Tableau 4, encre de chine sur papier, 18 x 12 cm, 2016

Jean-François Lacalmontie    Diptyque, collages, huile sur toile 200 x 300 cm 2017

Jean-François Lacalmontie     Sans titre, collages, huile sur toile 200 x 160 cm 2017

Didier Mencoboni             Don’t stop, 11 tableaux de        230 x 50 x 16 cm chacun, 2007-2008, courtesy Galerie Éric Dupont, Paris

Didier Mencoboni               Don’t stop, 11 tableaux de        230 x 50 x 16 cm chacun, 2007-2008, courtesy Galerie Éric Dupont, Paris

Didier Mencoboni           Étagère X sur étagère XI,        82 x 100 x 16 cm, 1992-1997, courtesy Galerie Éric Dupont, Paris

Didier Mencoboni           Étagère XIV sur étagère XV,     200 x 82 x 16 cm, 1990-1999, courtesy Galerie Éric Dupont, Paris

UN COMMISSARIAT D’ÉRIC DEGOUTTE

ARTISTES : JEAN-FRANÇOIS LACALMONTIE, DIDIER MENCOBONI

Sensible aux sollicitations d’un public toujours plus curieux et régulier, le centre d’art Les Tanneries accélère le rythme de sa programmation artistique en ouvrant un nouvel espace d’exposition jouxtant la Verrière. Jean-François Lacalmontie (né en 1947) et Didier Mencoboni (1959) sont les deux artistes invités à inaugurer la « Petite galerie ». Leur pratique est marquée par un certain sens du jeu. Elle pense les conditions d’émergence de la forme, elle met en place des protocoles aux logiques parfois proches de celles qui sous-tendent l’improvisation musicale. Comme dans les musiques « libres » (on parle bien de free jazz), les deux artistes s’écartent d’un certain rapport volontariste au « faire » pour tenter des formes plus libres de ce qu’on appelle « œuvre d’art ». Cette distanciation est en partie provoquée par des créations déléguées à des méthodes d’apparitions aléatoires : superpositions, collages à partir de reprises de travaux antérieurs, ou bien utilisation de logiciels informatiques et des combinaisons permises par les algorithmes. Par ces formes de distanciation du geste premier, ces deux artistes portent leur attention à tout ce qui se crée malgré eux, hors de leur vouloir propre. S’en suit une réception accrue à la façon dont les matériaux réagissent entre eux, ou plus globalement à tout ce lot de phénomènes imprévisibles qu’apporte chaque journée, à l’atelier ou ailleurs.

Aux Tanneries, l’œuvre de ces deux artistes s’expose en un face à face qui privilégie le dialogue. Tout au long de l’exposition, en contrepoint d’œuvres réalisées par les artistes, dont certaines pour l’occasion (Jean-François Lacalmontie), des formes s’improvisent quotidiennement par le biais de programmes informatiques qui « travaillent » à produire des images générées aléatoirement. Chez Jean-François Lacalmontie, c’est une machine à dessiner qui prend la forme d’un dispositif sculptural : une valise abritant un écran d’ordinateur, tube cathodique réduit à son plus simple appareil faisant défiler des images composées à partir d’un corpus de dessins réalisés et choisis par l’artiste, le tout piloté par un programme informatique traitant cette base de données. Activée une première fois en 1996, cette œuvre nomade de nouveau rebranchée aux Tanneries défie l’écart entre l’histoire et le vivant. En contenant en puissance des milliards de combinaisons possibles, cette machine fabrique une « fausse éternité ». Elle permet d’imaginer une production d’œuvres posthumes, sur plusieurs siècles.

Du côté de Didier Mencoboni, c’est en ligne que tout se passe, sur http://generationetc. com. Sur un fond d’écran totalement vierge s’affiche le tableau virtuel obtenu par le dernier clic sur l’icône comportant un point d’interrogation. Entre deux apparitions d’images, on lit sur un      bandeau : « ce site crée un imaginaire pictural. Ici, une série de plus 2000 tableaux véritables génère un flux perpétuel et infini d’images virtuelles. À chaque instant naissent de nouveaux tableaux virtuels qui ne sont pas sauvegardés. Ainsi est inventée la représentation de l’éphémère absolu : l’image non capturée ne pourra être vue qu’une seule fois, à jamais ».
Pendant trois heures par jour, ces compositions seront imprimées puis rangées en piles sur une table, selon une logique librement déterminée par l’équipe du centre d’art. Par couleur ?  Par forme ? L’accompagnement de l’œuvre émergente, formant corpus et somme, nous questionne immédiatement sur le sens d’y trouver un ordre, un classement, un rangement, une forme de mise à disposition pour le regardeur. Cette implication de l’équipe, Didier Mencoboni la provoque par ailleurs dans l’œuvre intitulée Don’t Stop, donnant à voir sur une étagère en acier une série de petites peintures grises : chaque jour l’équipe devra légèrement modifier la position d’une de ces toiles, renouvelant l’équilibre de l’ensemble.

Branchée en permanence sur un flux d’images en devenir, traversée d’usages visant à réactiver les dispositifs de présentation, de production, la Petite galerie devient le réceptacle d’une exposition en évolution constante; et qui repose sur une mise en tension entre le très construit et le très éphémère. Nous voici donc invités à prendre part au jeu de la surprise et de l’étonnement, à l’œuvre dans toute entreprise artistique.